Kevin Aserraf
Product Marketing @ Alan
8 mai 2020Bien-être au travail

COVID-19 : quels enjeux pour les fonctions RH ?

Webinar - 5 mai 2020

Ce mardi 5 mai, nous avons organisé un Webinar pour réfléchir à l’impact du COVID-19 aux yeux des fonctions RH, avec comme invités, Marie Barbesol (Klaxoon), Jérémy Clédat (Welcome to the Jungle) et Deborah Rippol (Alan).

Si vous ne faites pas partie des 300 personnes connectées à ce moment là, voici un récapitulatif des points qui sont sortis pendant cette heure d'échanges.

Pour être prévenu de nos prochains événements (en ligne ou bientôt en physique - on l'espère), dites-le nous ici.

Vous pouvez aussi retrouver l'enregistrement vidéo juste là :

Chez Alan, nous n’avions jamais vu les équipes RH aussi présentes sur notre Slack — elles ont eu un rôle décisif et ça nous a énormément aidé. Les sujets RH vont bien au-delà du recrutement, mais avec les changements de paradigme liés au confinement, les questions de bien-être au travail sont plus présentes que jamais.

Qu’est-ce qui a radicalement changé dans les missions RH ces dernières semaines ?

Marie : On a pu observer, aussi bien chez nous que chez nos clients, un besoin de se synchroniser. Quand on est tous au bureau, le fait de se voir pour prendre des nouvelles et faire des points rapides se fait très naturellement. Lorsque tout le monde est à distance, il y a un vrai besoin de partage et de s’assurer que tout le monde va bien dans le même sens.

La réponse initiale à ça était que tout le monde faisait de la visio, mais c’est vite devenu envahissant et épuisant. Pourtant, ces moments sont importants pour la fonction sociale de connexion des équipes. Ce qui a radicalement changé, c’est que certains points de synchronisation beaucoup plus focus ont continué de se faire en visio, mais tout le reste est passé en asynchrone. La visio constante ne pouvait pas fonctionner, donc on en voit par exemple qui se synchronisent 30 minutes le matin, mais la suite se fera par plus petits groupes, sans même se voir forcément.

Jérémy : De notre côté, on fait partie de ces entreprises où le télétravail à 100% était un peu facilité parce qu’on avait déjà 25% de notre équipe en full-remote, et le reste fait jusqu’à 50% de télétravail. Niveau organisation, les choses se sont faites plutôt facilement. L’impact sur les équipes vient plus du principe de confinement que le fait de travailler chez soi.

On reprend conscience de l’importance de la communication interne. Ça devrait être un sujet-clef et ça l’est devenu avec le confinement, mais on se rend compte que ça aurait du l’être bien avant. C’est d’autant plus important que les messages soient clairs dans une période d’incertitude. Depuis un an et demi, on a fait le choix de faire suivre la boîte par un cabinet d’expert, un psychologue et une chercheuse — ils font des sondages et des entretiens réguliers avec les équipes pour savoir comment elles vont et comment elles s’adaptent à leur contexte. On constate qu’avec le confinement, la tentation du silo est extrêmement forte d’une part, et d’autre part la difficulté de la communication écrite (synchrone ou non) qui peut créer des frustrations et poser des problèmes d’interprétation.

Deborah : Prendre la mesure de l’équipe a été très important pour nous : si nous n’avons pas de psychologue en interne, nous faisons beaucoup de questionnaires précis pour comprendre les situations de chacun. On se rend compte qu’on a des biais liés à nos propres situations, mais c’était important de prendre la mesure de qui est seul chez soi, qui a des difficultés familiales, etc. On s’est aussi posé des questions sur l’espace de travail : on imagine facilement que tout le monde a une chaise confortable et un bureau pour télétravailler, alors que j’ai fait mes trois premières semaines de confinement sur un carton parce que je venais de déménager.

Il y a aussi la question des nouveaux arrivants : on a 33 personnes qui ont commencé chez nous depuis le début du confinement, dont une dizaine le lendemain de l’annonce. Comment on fait pour leur envoyer un ordinateur à domicile ? On a du réfléchir à ces besoins basiques, mais aussi aux questions de cohésion d’équipe, comment prendre le relai sur les cours de sport ou les team drinks qui plaisaient à l’équipe. On a été un peu créatifs pour solutionner ça, et puis on a créé un channel Slack où tout le monde peut partager ses expériences de télétravail, y compris pour partager des situations improbables.

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Comment est-ce qu’on peut onboarder, à distance et de manière efficace ?

Marie : Notre processus d’onboarding était déjà bien calé et permet d’être onboardé d’une part par rapport à la culture d’entreprise (système de pairs et de parrains) en rencontrant un maximum de gens en dehors de sa propre équipe, et d’autre part directement au sein de l’équipe et par coeur de métier. On a gardé ça, on se sert de nos propres outils Klaxoon pour le faire. On s’est rendus compte qu’avec ce processus, on a gardé le même niveau d’onboarding, malgré la distance. Même s’il manque le contact physique et l’informel, l’onboarding à distance fonctionne bien.

Jérémy : On a aussi mis énormément d’énergie dans le sujet de l’onboarding depuis les débuts de Welcome to the Jungle — à tel point qu’on en a fait un produit, lancé récemment, qui s’appelle Welcome Home. En temps normal, le premier mois d’un nouvel arrivant est une sorte de « Vis ma vie » dans chaque équipe, où beaucoup de choses sont partagées. On le fait à distance et le nouveau produit aide pas mal à comprendre l’équipe. Dans nos échanges avec d’autres entreprises, on constate que beaucoup réussissent l’onboarding niveau métier, mais la culture est parfois plus compliquée à assimiler. On fait beaucoup passer la culture par des aspects physiques, donc c’est un sujet encore difficile — on n’a pas encore trouvé une solution idéale.

Est-ce qu’on retient des opportunités qui ont émergé et qu’on veut garder et amplifier dans les prochains mois ?

Marie : Dans l’ADN du produit et de l’équipe, il y a la question de comment s’organiser efficacement. Pour nous, c’est important de transmettre des bonnes pratiques au plus grand nombre et de donner des modèles. On donne les nôtres, mais on a toute une communauté qui travaille de plus en plus à distance et qui proposent les leurs. On a lancé un programme pour accompagner les équipes en télétravail et c’est très demandé : il y a un tel besoin que le time to market fond comme neige au soleil. Donc notre manière d’accompagner la transformation des méthodes de travail s’est fortement accélérée.

Deborah : Notre culture a toujours été compatible avec le télétravail : on travaille beaucoup à l’écrit et en asynchrone. Mais seule une minorité des salariés faisaient du remote. Trois jours après le début du confinement, nos cofondateurs ont posé la question : puisqu’on constate que ça fonctionne bien, est-ce qu’au retour on ne proposerait pas davantage de télétravail ? Pas forcément complètement puisqu’on veut continuer de proposer un bureau, mais que ce soit une option. On a essayé d’être très proactifs sur ces sujets, on a voulu montrer comment on continuait de fonctionner. Donc ça a été une opportunité de montrer concrètement comment fonctionne Alan d’une part, et puis d’autre part en tant qu’acteur de la santé, de vivre les sujets que nos clients vivent au jour le jour. On parlait des masques : on a vu que c’était compliqué pour nos office managers de s’en procurer, on s’est dit que si on avait cette difficulté, les entreprises qu’on accompagne l’aurait aussi.

Jérémy : Notre mission d’entreprise inclut de se demander ce que seront les expériences de travail de demain et on est en plein dedans. On a retrouvé l’agilité des débuts et on s’est mis à travailler sur plein de projets qu’on remettait à plus tard. Par exemple, on voulait digitaliser l’onboarding au moins en partie : on l’a fait. Il y a aussi la question de l’offboarding : comment gérer les départs des gens ? Notre turnover étant assez faible, on ne s’y intéressait que peu. Là, les trois stagiaires qu’on avait, c’était triste de les voir partir sans pouvoir leur dire au revoir.

On se rend compte que la culture est très liée au bureau, dans la représentation qu’on en fait. Jusque là, notre métier c’est de donner un aperçu de la culture à travers des photos, des interviews, etc. Et il y a un vrai sujet sur le shift qu’on peut faire là, ça pose donc plus de questions que de réponses.

Ça ressemble à quoi le monde d’après ? Un nouveau focus ? On lâche le recrutement pour se concentrer sur la santé et le bien-être des employés ? Est-ce qu’au contraire on insiste sur le recrutement parce que plein de talents vont être sur le marché ?

Marie : Toutes ces questions sont super compliquées parce qu’il y a plein d’incertitudes. Donc la vraie question, c’est comment on s’adapte ? Qu’est-ce qu’on fait de chaque nouvelle situation qui arrive ? Il y aura plein de micro-changements : on va chacun être amenés à bouger des choses et le rôle des RH là-dedans c’est d’être au coeur du business pour accompagner ces petits changements du quotidien. De notre côté, on a 8 personnes en RH pour 250 collaborateurs et toutes les semaines, les 8 personnes appellent les 250 collaborateurs individuellement — ils font le point sur comment se passe le confinement, côté travail, côté familial et côté moral. Ça permet de dégager des mesures opérationnelles pour accompagner les changements.

Jérémy : J’ai toujours milité pour que le DRH soit un poste de comex. C’est des sujets clés dans une boîte. Il y a 3-4 mois, le télétravail on se disant que ça serait pour dans 10 ans et aujourd’hui on trouve ça normal. Donc il y a des shifts fabuleux qui se font en ce moment. Un de ces shifts, je pense que c’est se rendre compte que c’est super important d’avoir les bons outils pour travailler efficacement et que les RH sont tributaires des autres équipes pour décider de leurs outils. En sortant de ce confinement, on va exiger des outils qui soient au même niveau que ceux de nos vies perso (Netflix, etc.), alors que les outils qu’on utilise en entreprise sont parfois à l’âge de pierre. Il faut que les outils d’après disent quelque chose de la culture d’entreprise de la boîte dans laquelle on se trouve, sinon ils iront ailleurs : parmi nos candidats, 50% nous disent que le contexte actuel leur donne envie de changer d’entreprise. D’une part parce que les managers ne savent pas gérer la situation et d’autre part parce que l’entreprise ne met pas le cadre à disposition des équipes.

Deborah : Je ne suis pas sûre de voir venir un shift qui soit très clivant avec ma vision des RH. Il y a un renforcement de la mission de conseil stratégique sur les décisions de l’organisation du travail à distance, sur la santé des salariés, sur le rôle de l’entreprise face aux salariés. Pour moi, ça a toujours fait partie des RH et c’est renforcé aujourd’hui. La finesse de la barrière entre la vie pro et la vie perso se confirme et on ne peut donc plus ignorer les difficultés de chacun : il faut les prendre en compte à l’échelle de la boîte. Il va donc falloir que les RH bossent sur l’accompagnement individuel des équipes et que ces aspects soient priorisés.

Jérémy : Et en même temps, il faut se méfier du schéma de l’entreprise paternaliste qui prend tout en charge pour ses salariés. Ça a été un gros sujet de discussion chez Welcome : à quel moment on intervient et à quel moment on s’efface au profit des proches ? Donc comment garder le bon équilibre pour que la relation employeur-employé reste saine, ne tombe pas dans l’infantilisation ? Parfois, on s’est demandé si on ne rentrait pas trop dans la vie des gens. Cette frontière n’est pas évidente à maintenir.

Déborah : Ça passe beaucoup par déterminer la priorité des sujets. Ça peut juste passer par des besoins matériels comme on évoquait plus haut : est-ce que la personne a une bonne chaise de travail ? Sinon, est-ce qu’on peut l’offrir ? C’est un objet qui va rentrer dans la maison, mais on pense que c’est un service qu’on rend aussi à l’entreprise en s’assurant que la personne peut travailler dans de bonnes conditions. Mais je suis bien d’accord avec Jérémy : il ne faut pas s’inviter dans la vie des gens lorsque ça n’est pas demandé. Il faut répondre, mais ne pas être intrusif.

Parmi les questions en ligne, le sujet du retour au bureau revient beaucoup : quelle sera la place des bureaux si on y passe moins de temps et est-ce que vous envisagez la possibilité de passer à une organisation entièrement à distance ?

Marie : Du full remote pour les 250 personnes, je ne pense pas. Les locaux qu’on a sont pensés physiquement pour représenter la plateforme cloud. C’est aussi dans l’ADN de l’entreprise. Par contre on voit des questionnements là-dessus : on avait déjà une forte population d’équipe à distance, ça peut se transformer encore davantage. C’est peut-être l’occasion d’arrêter le présentéisme, c’est quelque chose que je combats donc j’espère. Le full-remote, je sais pas, ça va beaucoup dépendre des équipes. Gartner a fait une étude aux États-Unis, où 300 directeurs financiers d’entreprise comptent laisser 10 à 15% de leurs équipes en full-remote. Nous, ça va sans doute s’accentuer, mais les bureaux ont un sens pour Klaxoon.

Jérémy : Nos équipes étaient très impatientes de dates précises. On n’a pas prévu d’arrêter les bureaux et en ce qui me concerne, je suis un amoureux des bureaux. Il y a 6 mois, on a travaillé avec Vitra (éditeur de mobilier en Suisse) sur les espaces de travail de demain. On aime bien le concept de hub où les gens peuvent se retrouver et discuter. Notre culture est très orale — là on se rend compte de l’importance de l’écrit pour ne pas la déformer — mais on a des gens qui ont besoin de se parler pour avancer. Mon inquiétude est celle de la réduction des coûts en prétextant la modernité dans l’organisation : l’étude que cite Marie, je trouve ça terrifiant que des directeurs financiers choisissent un mode d’organisation. Mais on peut aussi choisir de voir le verre à moitié plein et se dire que ça va venir d’une vraie réflexion sur l’organisation.

Justement : est-ce que les prochaines décisions ne vont pas être impulsées par les équipes de finance, au vu de la crise ? Et est-ce que les RH ne vont pas être reléguées au fond de la classe, est-ce qu’on va avoir un combat finance vs RH ?

Jérémy : Sûrement ! Un sujet dont on parle encore peu en France, c’est les licenciements. Personne n’en parle trop parce qu’il y a le chômage partiel, mais il y a des mesures qui vont être prises pour que les entreprises survivent. La finance va sans doute prendre des décisions, mais ce sont les équipes RH qui vont devoir les appliquer. Il y a peut-être un enjeu là-dedans. Et historiquement, toutes les grandes avancées RH ont été faites pendant des crises. Les innovations de comportement, les grands shifts, tout ça a eu lieu pendant des crises : tous les sujets de marque-employeur et de bien-être au travail ne sont pas venus parce que les entreprises s’en sont emparé, mais parce qu’elles n’arrivaient plus à recruter et se sont senties obligées de sur-investir dedans. On espère que les différents dirigeants seront à l’écoute, parce qu’il y a un enjeu énorme avec l’engagement des équipes. Si elles sont impliquées, au bout du compte, la différence est énorme — et la différence par rapport aux concurrents est énorme. Typiquement, on a sorti en avance le produit qu’on était censés sortir en septembre prochain, c’est grâce aux équipes qui étaient impliquées. Les équipes RH doivent pouvoir créer ces moteurs qui ne sont pas directement financiers mais qui derrière ont des résultats financiers très importants.

Marie : Je cite Charlotte dans le chat : « L'importance des RH a été mise en lumière par cette crise, notre parole est donc plus impactante aujourd'hui, profitons-en pour la prendre et crier haut et fort ce que nous souhaitons défendre et mettre en place ! » Je trouve que ça résume bien ce que dit Jérémy : la fonction RH a toujours eu un rôle stratégique au niveau du management et ça ne va pas changer. Ce qui fait le coeur de la culture et ce qui fait que ça avance, c’est l’humain. Je pense que la situation ne va faire que renforcer ça et y donner un peu plus de place.

Deborah : Je pense que ce qui peut aider, c’est de se mettre d’accord sur plusieurs hypothèses avant de s’engager dans des décisions, qui peuvent parfois être prises sous le coup de la peur ou de l’émotion. On a essayé de faire ça de notre côté, d’envisager plusieurs scénarios et de se mettre d’accord dessus en amont. Ça aide les équipes (finance, RH, etc.) qui ont besoin de se synchroniser : si on est sur le scénario A, alors on continue comme d’habitude, mais si on arrive sur un scénario B alors on doit réfléchir à comment on s’adapte. Je pense que dans cette anticipation des possibilités, on est capables de se mettre d’accord et s’assurer qu’on conserve l’engagement des équipes. Je vous rejoins : cet engagement est hyper puissant et ça se joue parfois à très peu. On a fait une retro et parmi les choses notées comme très positives par les équipes, il y a des messages envoyés par les cofondateurs au début du confinement, qui disaient de prendre son temps, de se soutenir les uns les autres, et ces messages ont beaucoup résonné dans l’oreille des Alaners. On aurait pu avoir de la panique et de la peur, mais on a réussi à garder de l’engagement qui a un vrai impact.

Merci à nos intervenants Marie, Jérémy et Deborah. Merci à tous les participants et à vous d’avoir lu ce compte-rendu !

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